Portrait : Maud Collyn d’Hooghe
Depuis 46 ans au service de la recherche régionale sur le cancer
Née à Roubaix d’une mère Vosgienne, Maud Collyn d’ Hooghe, directrice de l’Institut pour la recherche sur le cancer de lille (IRCL) Voulait être chirurgien. Elle est devenue Chercheur et aussi grande amatrice de cuisine (elle fabrique son foie gras). Interrogée sur Dieu, elle répond : « je suis croyante, je crois en un grand ingénieur. On peut lui donner le nom que l’on veut. Je ne peux pas penser qu’il n’y ait que le Hasard à l’origine de tout cela. »
Il est des parcours professionnels qui basculent le temps d’un stage. C’est ce qui est arrivé à Maud Collyn-d’Hooghe dont la vie a changé de cours à l’occasion d’un passage à l’IRCL en 1968. Elle est alors titulaire d’une maitrise de biologie animale et arrive au sein de l’Institut pour la recherche sur le cancer de Lille « je me dirigeais vers l’enseignement mais ici, j’ai contracté le virus de la recherche » explique cette dynamique sexagénaire, mère d’un fils de 37 ans, lui aussi chercheur. Après une thèse de sciences, elle effectue l’ensemble de sa carrière au sein de l’Inserm, jusqu’à devenir directeur de recherches. Elle travaille notamment sur la radio et la chimiothérapie dans la cinétique et l’imagerie cellulaire. Alors qu’elle prend officiellement sa retraite en mai 2010, Maud Collyn d’Hooghe n’a pas connu un seul jour de farniente depuis. Pendant deux ans, elle poursuit la direction de l’Institut de médecine prédictive et de recherche thérapeutique, un institut de formation et de recherche de l’Inserm. Et depuis février 2012, Maud Collyn d’Hooghe dirige l’IRCL de manière bénévole. « Cela me prend entre 25 et 30 heures par semaine. » Elle forme un duo « très complémentaire » avec le président de l’Institut depuis 2013, Michel d’Orgeval, un ancien banquier. L’IRCL, une fondation d’utilité publique (depuis 1937) a plusieurs missions. D’abord elle héberge des chercheurs (scientifiques, médecins, pharmaciens) du CHRU de Lille (tout proche géographiquement), du Centre Oscar Lambret et de l’Inserm. Ces équipes travaillent sur plusieurs domaines dont la dormance tumorale (équipe du Professeur Bruno Quesnel) mais aussi la caractérisation et la séparation des cellules tumorales ou encore le classement des tumeurs. Avec un seul objectif, mieux lutter contre le cancer.
- Financement de post- doctorants
L’IRCL met à disposition de ces chercheurs des laboratoires aux normes réglementaires. Ce qui n’est pas une mince affaire pour être compétitif. L’institut peut aussi financer des post-doctorants en CDD de 2 ans grâce à la souplesse de sa gestion. « nous pouvons réagir très vite », souligne celle qui passe le plus clair de son temps à la chasse aux subsides. Maud Collyn d’Hooghe gère ainsi un budget annuel d’un million d’euros. Si elle connait ses charges, les recettes sont toujours inconnues « quand je prépare le budget, je suis Madame Irma, voyante-médium », dit-elle dans un grand sourire. Sans subventions, les recettes proviennent de dons, de legs, d’assurances-vie ou encore du mécénat que l’IRCL voudrait développer. Maud Collyn d’Hooghe court donc les clubs services et les associations philanthropiques. Toujours à l’affût et souvent sur le terrain.
Ayant passé presque plus d’un demi siècle dans la recherche sur le cancer, Maud Collyn-d’Hooghe estime que le regard sur la maladie a changé. Même si le cancer fait toujours peur, les principaux progrès ont eu lieu en matière de qualité de vie du patient dès le début du traitement. Elle estime aussi que la prévention commence aussi à porter es fruits notamment sur le tabac. La directrice pointe aussi la surveillance du cancer du sein chez les femmes à risque. Elle regrette les conséquences de l’hyper dépistage du cancer de la prostate et le recours trop fréquent à la chirurgie. « Aujourd’hui on opère moins systématiquement. » La directrice estime aussi que les progrès actuels permettent une meilleure identification de la pathologie et des traitements plus ciblés. Le regard de cette passionnée sur la situation de la recherche n’est pas tendre « Il y a une vraie fuite des cerveaux à l’échelle internationale vers les Etats-Unis et l’Australie. Il n’y a plus de création de postes de chercheurs en France. Cela fait de nombreuses années que la recherche en France est très peu soutenue » regrette la directrice de l’IRCL qui regarde au loin. D’ici 4 a 5 ans, un projet de regroupement de toutes les équipes cancer devrait voir le jour à Lille. Avec l’IRCL, elle en sera. C’est sûr.
Thomas Levivier
CROIX DU NORD
Article du 04/07/2014