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IRCL 2025 : Financement d’un projet de recherche à haut risque sur le cancer colorectal

Le 23 mai 2025 le comité scientifique de l’IRCL s’est réuni afin de sélectionner 4 projets à haut risque qui seront financés à hauteur de 20000 € chacun, la fondation vous dévoile le deuxième projet présenté par l’équipe du Professeur Tony Lefebvre portant sur l’incidence des produits issus de la digestion gastrointestinale des protéines alimentaires sur les propriétés des cellules intestinales et coliques.

Le cancer colorectal (CCR) est le 3e cancer le plus fréquent dans le monde, et le 2nd cancer le plus mortel. En parallèle, la prévalence des maladies métaboliques (obésité, diabète de type 2…) corrélées à la survenue du CCR ne cesse d’augmenter. Le mode de vie occidental est en partie responsable de cette hausse en raison de facteurs comportementaux tels que l’alimentation. L’association entre régime alimentaire et CCR est établie de longue date, certains aliments étant considérés à risque, comme les viandes rouges et transformées (ex. charcuterie). Concernant les protéines alimentaires, lors de la digestion gastro-intestinale elles libèrent des acides aminés (AAs) et des petits peptides absorbés au niveau de l’intestin grêle, le jéjunum plus particulièrement. Mais, une partie de ces produits transitent jusqu’au côlon proximal et interagissent avec les cellules environnantes. Des peptides bioactifs issus de l’hydrolyse de divers aliments ont été découverts, certains aux propriétés antioxydantes, antibactériennes, anti-inflammatoires, d’autres agissant sur la migration, l’apoptose, ou le cycle cellulaire, leur conférant des propriétés « antitumorales ». Cependant, les mécanismes sous-jacents à leur activité ne sont pas toujours connus. Une partie de la réponse pourrait résider dans les processus de O-GlcNAcylation.

Caractère original du projet :

Il est bien admis connu que l’alimentation joue un rôle de premier plan sur la santé. La hausse des troubles métaboliques (obésité, diabète de type 2…), accentuant en retour le risque de développer un CCR, trouverait en partie sa réponse dans les changements d’habitudes alimentaires, telles que la diminution de la consommation des fruits et légumes au profit de produits transformés. A contrario, des aliments sont réputés bénéfiques pour la santé voire « protecteurs » vis-à-vis du CCR. C’est le cas des fruits, des légumes et des produits laitiers. Bien que les protéines représentent une part importante de notre alimentation, leur impact sur la santé via leur digestion gastrointestinale (générant des AAs et des peptides) est très mal connu. Ce projet nouveau, alliant nutrition et oncologie, se base sur une idée tout à fait originale ayant pour but une tentative de connexion « produits issus de la digestion gastrointestinale – accentuation des risques de CCR » par un mécanisme moléculaire dont la O-GlcNAcylation serait l’élément central. Parmi les peptides libérés au cours de la digestion, certains sont dits « bioactifs », c’est-à-dire dotés d’activités biologiques, souvent bénéfiques à l’organisme. À ce jour, la plupart des études ont essentiellement caractérisé des peptides antihypertensifs, antimicrobiens, antioxydants, ou encore des peptides à activité opioïde. Quelques études ont rapporté le potentiel qu’ont certains peptides à réduire la prolifération et la viabilité des cellules cancéreuses, notamment les cellules cancéreuses coliques. Par exemple, le peptide HYNPYFPG issu de la digestion des protéines du quinoa réduit la prolifération des cellules Caco-2 (lignée cancéreuse colique). Selon notre hypothèse, certains peptides interagiraient avec des récepteurs et des transporteurs membranaires, modulant ainsi les voies métaboliques et/ou les voies de signalisation associées. Notre équipe a publié plusieurs articles décrivant le rôle central de la O-GlcNAcylation dans le contrôle de certaines voies de signalisation : MAPK, PI3K/Akt/mTOR et Wnt/bêta-caténine entre autres. L’idée originale qui a motivé ce projet est que par le biais d’une élévation du « pool » d’UDP-GlcNAc (production alimentée par les AAs issus de la digestion gastrointestinale), l’augmentation des processus de O-GlcNAcylation suractiverait certaines voies de signalisation, conférant aux cellules cancéreuses des propriétés prolifératives, migratoires et de survie anormalement élevées. Concomitamment, les peptides potentiellement bioactifs produits par la digestion feraient office de ligands de récepteurs non identifiés activant ou désactivant des voies de signalisation intracellulaires : le caractère bénéfique ou néfaste (dépendamment de la source protéique générant ces peptides) de l’alimentation sur la santé trouverait en partie une réponse dans cette connexion moléculaire.

Méthodologie :
Les lignées cellulaires coliques cancéreuses HT29 et HCT116, ou non cancéreuses CCD841CoN, et intestinale IPEC (entérocytes de porc), seront cultivées dans leur milieu de culture respectif. Des protéines alimentaires de diverses origines (caséines, collagène, gluten, hémoglobine, pois…) seront digérées à l’aide du protocole standardisé INFOGEST.

Les digestats seront soumis à une chromatographie de gel filtration afin d’obtenir le profil des peptides libérés. Les digestats seront appliqués sur les cellules à diverses et des cinétiques de plusieurs heures à plusieurs jours seront effectuées afin d’évaluer l’impact de potentiels peptides bioactifs. L’activité des voies de signalisation dont la régulation est directement liée à la disponibilité en acides aminés, sera mesurée. Enfin, des mesures de prolifération (par comptage de cellules), viabilité (test MTS) et migration (test de blessure) seront effectuées pour les acides aminés les plus actifs.

L’IRCL remercie chaleureusement l’ensemble de ses donateurs pour leur soutien à la recherche sur le cancer dans les Hauts-de-France, ce qui a pu permettre le financement de ce projet à hauteur de 20000 €.